Anne Conchon, invitée à l’émission “Entendez-vous l’éco ?”, France Culture, 25 mars 2024
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Informations détaillées
Réseau : France Culture
Émission : Entendez-vous l’éco ?
Série : “Le XVIIe, grand siècle économique”
Épisode : 1/3 Montchrestien, fidèle du mercantilisme
Date : lundi 25 mars 2024
Durée : 59 minutes
Intervenant et intervenante
Anne Conchon Professeure d’histoire économique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse à l’IDHE.S
Arnaud Orain historien, économiste, directeur d’études à l’EHESS
Présentation
Inspiré par les penseurs britanniques, Montchrestien fut l’un des premiers à introduire en France les idées économiques de l’école mercantiliste, prônant l’intervention marquée de l’État dans l’économie pour favoriser la puissance nationale et favoriser le développement du commerce.
Antoine de Montchrestien, figure polymathe de la Renaissance française, incarne l’esprit d’une époque en pleine effervescence intellectuelle et politique. Né en 1575 dans le Calvados, Montchrestien vécut au cœur d’une période marquée par des bouleversements majeurs, aussi bien politiques qu’économiques. Son parcours s’inscrit dans le contexte tumultueux de la fin du 16e siècle et du début du 17e siècle, période marquée par les guerres de religion, les querelles politiques et les premières grandes avancées du commerce maritime en Europe. Arnaud Orain nous précise “en ce qui concerne le contexte économique et politique, on peut rappeler que Montchrestien évolue dans un Royaume de France fragilisé par les guerres de religions. Surtout, Montchrestien part d’un principe simple : il considère que les règlements mercantilistes ne sont pas appliqués. Selon lui, la liberté du commerce en France est trop grande (vis-à-vis des royaumes étrangers), et c’est bien la source de tous les problèmes. La France serait selon lui le pays le plus riche d’Europe si elle voulait bien protéger ses richesses, que sont alors les blés, les vins, les toiles et les laines principalement. Toute son œuvre prend la forme d’un manuel du prince, censé lui permettre de refaire vivre un royaume en piteux état, en prenant exemple sur ses voisins“.
Inspiré par les penseurs britanniques, Montchrestien fut l’un des premiers à introduire en France les idées économiques de l’école mercantiliste, prônant l’intervention marquée de l’État dans l’économie pour favoriser la puissance nationale et favoriser le développement du commerce. Il fait ainsi l’éloge de l’industrie et de la manufacture, mais aussi de la colonisation et du commerce maritime ; toute sa pensée repose sur le fait que le rôle de l’État est avant tout de stimuler la production et les échanges. Son ouvrage majeur, le Traité d’économie politique (1615), est d’ailleurs souvent retenu comme le premier à utiliser cette expression, qui perdurera jusqu’au 19e siècle pour désigner la science de la production et de la distribution des biens. Anne Conchon nous explique “on a fait du Traité d’économie politique de Montchrestien un traité intemporel, sans véritablement s’intéresser au contexte qui est à relier à celui des États Généraux. À ce moment-là, la France essaye de développer la culture du mûrier pour les vers à soie et on expérimente des plants à Lyon et à Tours pour s’affranchir d’une dépendance à l’égard de l’Italie. En outre, la monarchie refonde toute sa politique minière. Montchrestien adore employer la métaphore de la “mine” dans son œuvre pour désigner la richesse du royaume, mais il l’utilise aussi littéralement dans le cadre de cette réforme de la politique d’extraction. L’édit de 1601, passé sous Henri IV, est déterminant en la matière – notamment parce qu’il veille à la bonne exploitation des mines et au bon fonctionnement du recouvrement de l’impôt qu’elles génèrent. On se situe en effet également dans un contexte de réforme fiscale et de questionnements autour du consentement à l’impôt. Dans son texte, il répond notamment à des agents de la monarchie et dénonce les “parasites” qui abusent de leur pouvoir d’extraction fiscale“.
Son œuvre est en quelque sorte la première affirmation de la thèse moderne de l’importance primordiale des activités économiques, et s’affirme comme une sorte de “traité des princes” adressé au souverain pour former le “bon gouvernement”.